De l'usage de la Lame Droite ou de la Lame courbe.



Depuis la nuit des temps, l’épée a représenté la justice, le pouvoir et la lutte contre le mal !
Elle est à la fois magique et mortelle.

L’épée a influencé le résultat de nombreux grands évènements historiques...inspiré de nombreux mythes et légendes…et l’habileté des artisans en a fait un objet de désir!

Aujourd’hui encore de nombreux témoignages du temps de l’épée nous sont parvenus…un homme tient sa femme par le bras gauche pour laisser sa main droite libre de saisir l’épée…nous nous saluons en serrant les mains pour montrer que nous ne sommes pas armés…le chevalier est adoubé au contact de l’épée sur ses épaules…et il est disgracié par la brisure de celle-ci…une armée entière se rend par la remise d’une seule épée !

L’épée était rituellement  sacrifiée aux dieux pour invoquer leurs protections.

Le fondeur usait des quatre éléments…l’eau, le feu, l’air, la terre et peut-être les dieux lui donnaient le pouvoir du cinquième élément…la magie !


Enchiridion de Byrthferth représentant les mystères de l'univers. Adam au centre, les quatre points cardinaux , les quatre éléments , les quatre saisons, les quatre âges de la vie, et les douze signes du zodiaque.


Sabre de Chasseur à cheval de la Garde © SabresEmpire

La lame française à la Montmorency a été décriée lors de sa mise en service, certains la trouvaient trop courbe pour l’estoc, d’autres trop droite pour la taille et pourtant entre les mains des grenadiers à cheval de la garde, elle fit merveille jusqu’à Waterloo.

Elle vécut encore de beaux jours avec les Modèles de 1822.
Certes la lame était importante mais tout autant l'étaient la technique du soldat et le dressage de sa monture.

Certainement, il valait mieux un bon gros bâton avec un cheval très maniable et vif, qu’un magnifique sabre, dans les mains d’un mauvais soldat, monté sur un cheval revêche.

Notre collection montre la diversité entre les lames quant à la courbure, aux poids ainsi que les différences majeures de conception entre les armes anglaises et françaises.
Commençons par une analyse sur l’utilisation de la lame courbe ou droite dans la cavalerie.


Engagement de Cavaleries Légères

Un nombre important d’articles dans les magazines d’histoire napoléonienne, ainsi que des articles plus spécialisés sur l’histoire militaire, traitent du choix entre l’utilisation de la lame droite ou de la lame courbe pour la cavalerie et concluent que le choix était avant tout une question de mode ou de convention.

Tout au long du XIXème siècle, ce choix de lame a fait l’objet d’études et discussions dans les cercles militaires des deux cotés de la Manche : à savoir quel type de lame utiliser pour les troupes de cavalerie. Ce débat avait débute dans les siècles précédent lors de l’utilisation généralisée de troupes à cheval dans les armées d’Europe de l’Ouest.

Sabre de Cuirassier AN XI


L’origine historique des deux types de lames est très différente:
A l’Ouest, on trouve une préférence pour la longue lame droite destinée à l’estoc, héritière des pratiques de combats médiévaux. L’utilisation de l’armure et du casque dans les batailles médiévales nécessitait l’utilisation d’armes propres à pénétrer à travers les plaques de protection.

Typiquement ces lames droites étaient longues, avec des pointes effilées ou en langue de carpe, pour certaines de section triangulaire. Ces armes évoluèrent ensuite vers la rapière et la lame à la colichemarde pour les civils, les combats militaires nécessitant des armes plus robustes.



Avec la disparition de l armure, les armées européennes ont communément utilisées des lames larges, droites à un tranchant avec un dos de lame renforce (Forte-épée, Schiavonne, etc.).
L’évolution des sabres à lame courbe combine les influences d’Europe de l’ouest et des steppes de l’Est.

A l’Ouest on trouve des armes à lame courbe vers 1600 dont l’origine se trouve dans les armes germaniques. Mais la plus grande influence provient des peuples guerriers des steppes Eurasiennes, qui amenèrent avec eux en Europe leurs sabres légers à lame courbe, propres à la taille.

Les byzantins et les peuples russes utilisaient déjà des sabres courbes dès 1200.
L’arrivée des Mongols, cavaliers de la steppe, et des Ottomans a renforcé l’utilisation généralisée du sabre courbe.
Alors que les cavaleries des armées d’Europe centrale (Pologne, Hongrie, Prusse, etc.) ont utilisé, très tôt, pour leurs cavaliers des sabres à lame courbe; cette adoption fut plus tardive pour les armées de l’Ouest, début 18 ième siècle en France et vers 1750 pour les anglais.

Types de sabres et Utilisation

Designs des sabres

La conception du sabre est la résultante directe de l’utilisation à laquelle il se destine au combat.

Ainsi un sabre, dont la lame présente une bonne courbure, permet un coup de taille. Quant le fil de la lame rencontre la cible, il pénètre et coupe simultanément l’ennemi. Le mouvement latéral du coup multiplie l’effet dévastateur de ce dernier.


Sabre Cavalerie Légère AN XI

Au contraire, un coup de taille d’une lame droite ressemblera au coup donné par une hache sur un tronc d’arbre.

L’efficacité du coup donné par les deux types de lame peut être comparé à un couteau qui vient frapper l’articulation d’une volaille cuite ou du même couteau qui vient trancher de façon normale à l’intersection de l’articulation.

Un sabre dont la lame sera assez courbe pour délivrer un très efficace coup de taille sera de facto trop courbe pour permettre un coup d’estoc précis et décisif !




L'effet saisissant d'une charge de Cavalerie Lourde

Une lame droite pour pouvoir délivrer un bon coup de taille, comme elle a un moindre pouvoir de glisse, devra être lourde et équilibrée vers l’avant de la lame (ce n’est pas un hasard si la hache est un outil lourd avec le tranchant situé au bout d’un long manche).

Une rapière telle que portée par les mousquetaires, si utilisée en coup de taille, produisait un résultat très médiocre face à un adversaire portant des vêtements résistants. Il est évident qu’un sabre a faible courbure comme la lame à la Montmorency sera toujours sous optimal.

Charge des Scots Grey à Waterloo arrivant sur la grande batterie d'artillerie avec leur sabre à lame droite (voir celui de notre collection)



La lame à la Montmorency n’est pas assez courbe pour avoir un effet glissant et sa courbure est embarrassante pour un coup d’estoc efficace. Les lames à faible courbure sont donc polyvalentes mais donnent des résultats médiocres d’estoc et de taille, difficile donc de se faire une idée.

La lame courbe et courte permet au cavalier de tailler à droite et à gauche sans heurter ou toucher la tète de sa monture, un grand avantage pour un cavalier.

 En dehors des qualités mécaniques que peut présenter une lame, il y a bien d’autres facteurs qui distinguent une lame droite ou latte d’une lame courbe.

Parce que le pouvoir de couper d’une lame courbe n’est pas directement liée au poids de la lame, elle peut alors être plus légère et mieux équilibrée qu’une lame droite. Aussi la courbure d’une telle lame permet à ces armes d’être très maniable.


Le sabre AN XI des cuirassiers contre le sabre de 1796
des Light Dragoons anglais (voir notre sabre AN XI et le sabre anglais de 1796)


Il devient plus facile pour le cavalier de se pencher d’un coté et de l’autre de sa monture pour tailler l’ennemi et non l’encolure de l’animal.

L’autre avantage est que au cœur de la mêlée d’un combat le coup de taille est plus instinctif que l’estoc, ainsi une lame courbe est plus rapidement efficace dans les mains d’un soldat lambda.

La lame droite possède aussi ses propres qualités. Face à un ennemi portant des protections, ce sera la seule lame capable d’infliger une blessure décisive.

Sabre de Cavalerie Légère anglaise Modèle 1796


L’estoc est aussi un coup qui profite de l’élan prodigue par la monture lors d’une charge.

Durant la charge, les cavaliers pointent en avant leur sabre, avec la lame dans le prolongement du bras, la pointe légèrement plus basse que le niveau de la garde et le coude et bras tendus. Aussi important, le pouce devait être bien ferme sur la poignée du sabre et le poignet bloqué.


Charge des Chasseurs à cheval de la Garde à Austerlitz et
leurs sabres courbes ( voir celui de notre collection)

Ainsi maintenue durant la charge, le sabre à lame droite encontrant un adversaire tuait presque instantanément ce dernier par la puissance du coup, en admettant que le cavalier avait bien cible son estoc. Quoi qu’il en soit, utilisée de la sorte a grande vitesse, un tel coup pouvait être problématique, il était souvent difficile de retirer la lame du corps de l’ennemi.

Ainsi les cavaliers américains, médiocres sabreurs et plus adroits aux armes à feu, surnommaient leurs sabres Modèle 1840 (une copie du modèle 1822 de cavalerie légère française), « le briseur de poignet ».


Cuirassier contre les cuirassiers russes...les Cuirassiers Russes  (voir notre sabre de cuirassier)


Forme du sabre et combat

Il est maintenant évident que chaque type de sabre à ses propres qualités en fonction du type de combat. Cavalerie contre cavalerie, lors d’une charge classique ou académique, la lame droite a l’avantage surtout lors du premier clash, ensuite au cœur de la mêlée le sabre courbe reprendra l’avantage.

La latte, outre de profiter de l’effet vitesse et impact découlant de la charge, était considérée comme plus intimidante par les soldats. Ceci provient peut être du caractère souvent mortelle d’une blessure occasionnée par les lames droites lors des charges de cavalerie.

Aussi la vue d’une multitude de cavaliers avec leurs sabres pointes vers vous semblait être plus intimidante qu’un même nombre de cavaliers agitant des sabres courbes.


Sabre anglais Modèle 1803 pour les officiers de flankers et Rifle 


Chevau-Légers du royaume de Wurtemberg chargeant un carré d'Infanterie Russe à la bataille de Krasnoë par A Yejov ©


A contrario, lorsqu’il n’était pas possible de donner de l’élan aux charges à cause du terrain, fatigue des chevaux ou nombres de blesses au sol…la lame droite perdait de son avantage.

Et dans les combats serres ou le cavalier doit rester très mobile d’un coté à l’autre de la selle…le sabre courbe faisait miracle.

Contre l’infanterie en carré, aucune lame ne prenait un avantage décisif par rapport à l’autre.



Face à une infanterie sous pression, la lame droite plus longue et plus mortelle devait présenter quelque avantage mineur.


L'effroi de l'infanterie anglaise face aux cuirassiers


La meilleure illustration de l’usage de la lame droite ou courbe nous vient des hussards des pays d’Europe centrale.
Les hussards avaient pour usage d’utiliser les deux types de sabres surtout en Hongrie et Pologne-Lituanie.

C’est une résultante de la chute de l’empire des Balkans au profit des Turques.

Les hussards Polonais perdirent peu à peu leur statut de cavalerie légère pour un usage de cavalerie lourde avec armures, alors que les hussards Hongrois quittèrent leurs armures et devinrent des troupes légères utilisées pour le harcèlement.


Sabre Officier à la Mamelouk à lame très courbe


C est cette forme de Hussards qui influencera nos cavaleries d’Europe de l’Ouest. Ils seront aussi à l’ origine du renouveau de l adoption de la lance durant les guerres napoléoniennes.

Les deux types de hussards, Polonais ou Hongrois portaient deux types de sabre : un sabre a lame courbe, suspendu par des anneaux de bélières  et un sabre droit (Palash dérivé du mot latin Spatha « chose plate » ou Koncerz en Polonais) attache sur un coté de la selle.


Compagnie d’élite du 4ème hussards à Tarragone durant la
 campagne d'Espagne en 1811...ave leur AN XI (voir notre sabre AN XI)

Le hussard polonais utilisait sa lance de préférence et lorsque celle-ci était cassée, utilisait sa lame droite pour continuer à charger.

Dans la mêlée, il utilisait son sabre courbe.
Les hussards hongrois combattaient, selon un témoin de l’époque, comme  le feront les premiers hussards français, à savoir :

« Les hussards portent un large sabre courbe…pour tailler de tout cote, du haut vers le bas. Certains portent de longues lames, stockées le long de leur monture, lorsqu’ ils l’utilisent c’est pour embrocher leurs ennemis, le pommeau appuyé sur leur genoux »


Dragons Francais 

Ce témoignage nous montre que les premiers hussards savaient que chaque type de lame avait son propre usage, bien précis, lors des combats.
Les premiers hussards étaient souvent issus de milieux favorises ou familles de militaires, et achetaient leurs propres armes. Ils avaient le luxe de pouvoir s’acheter deux sabres, ce ne sera plus le cas dans les grandes armées des guerres Napoléoniennes et chaque troupier aura un seul sabre propre à son rôle dans la bataille.

Sabre d'Officier de Cavalerie Lourde et sa longue lame droite 


Les cavaleries lourdes européennes, dont le rôle est de charger de front, seront équipées de longue lame droite.
La cavalerie légère, utilisée pour la reconnaissance, renseignements, et le harcèlement seront équipées de sabres à lame courbe.

Chasseur de la Garde Imperiale contre les Chevaliers Gardes russes à Austerlitz